(Island of Lost Souls)
De Erle C. Kenton
(USA)
Avec Charles Laughton, Bela Lugosi, Richard Arlen, Leila Hyams, Kathleen Burke, Arthur Hohl, Stanley Fields, Robert Kortman
Avec Charles Laughton, Bela Lugosi, Richard Arlen, Leila Hyams, Kathleen Burke, Arthur Hohl, Stanley Fields, Robert Kortman
La
première version cinématographique officielle du roman « L’île du Docteur
Moreau », que H.G. Wells publia en 1896 et qui annonçait avec des
décennies d’avance les dangers de la manipulation génétique, date de 1933,
année faste pour le cinéma fantastique puisque ce fut également celle de King Kong, Masques de Cire et L'Homme Invisible. Signée Erle C. Kenton, qui se spécialisera plus tard dans le
recyclage folklorique des Dracula, Frankenstein et autre Loup-Garou
d’Universal, cette Island of Lost Souls
(littéralement « L’île des âmes perdues ») est probablement l’un des
films d’épouvante les plus terrifiants de l’époque, et son impact ne s’est
guère amoindri aujourd’hui.
Le docteur Moreau y fait des greffes expérimentales
sur des animaux et les transforme en caricatures de l'homme. Ayant dû quitter
l'Angleterre à cause de manifestations contre la vivisection, il s'est retiré
dans une île privée où il peut jouer à être Dieu vis-à-vis de ses créatures.
Bien que le film de Kenton, produit par le studio Paramount, date de l'âge d'or
du cinéma fantastique américain, il ne s'inscrit pas vraiment dans la lignée
des classiques d’Universal ou de la RKO, dont l'esthétique est largement
inspirée par l'expressionnisme allemand, et bénéficie de décors extérieurs
naturels filmés à Catalina island. Ce qui n’empêche pas pour autant cette Ile du Docteur Moreau de dégager un
climat malsain, une angoisse assez dérangeante due en grande partie à Charles
Laughton, détestable en docteur Moreau bien en chair et doucereux.
Cette
atmosphère pesante est également imputable aux insulaires bestiaux dont
l'aspect monstrueux n'est expliqué que tardivement, et à ces cris terrifiants
qui déchirent le silence, provenant de la mystérieuse « maison de la
souffrance ». Autre élément troublant : Lota, la belle et insouciante
sauvageonne qui s'éprend du héros, lequel, fiancé à une blondinette citadine,
n'est pas insensible à son charme exotique… jusqu'à ce qu'il découvre que Lota
est une panthère transformée en humaine par Moreau, et que ses ongles longs
sont en réalité des griffes de fauve ! Cette idée très forte, bien
qu’absente du roman de Wells qui ne contient aucun personnage féminin, eut un
tel impact qu’elle fut réutilisée dans les deux adaptations suivantes.
A
l’instar de Boris Karloff dans Frankenstein
ou d’Elsa Lanchester dans La Fiancée de Frankenstein, la comédienne Kathleen Burke, interprète de Lota qui n’avait
que 19 ans à l’époque, ne fut pas mentionnée dans le générique de début, son
nom étant remplacé par un mystérieux « The Panther Woman ». La foule
d'« humanimaux » clamant la loi, dirigée par un Bela Lugosi couvert
de poils, fait froid dans le dos et se révolte finalement contre Moreau en le
découpant à coup d'instruments chirurgicaux. Ce lynchage sanglant se déroule
hors champ, mais tout de même, quel choc ! Le tout se termine par un grand
incendie purificateur - et presque libérateur pour le spectateur - sacrifiant
quant à lui à la tradition des grands classiques de l'épouvante. Pendant
plusieurs années, le film fut tout bonnement interdit en Angleterre, et l’on
prétend que Wells lui-même fut proprement choqué par cette adaptation.
© Gilles Penso
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