de Peter Jackson (Nouvelle-Zélande)
Avec Saoirse Ronan, Mark Wahlberg, Rachel Weisz, Stanley Tucci, Susan Sarandon, Michael Imperioli, Rose McIver, Reece
Ritchie
Après les quatre mastodontes cinématographiques que représentaient la saga du Seigneur des Anneaux et King Kong,
Peter Jackson se penche sur un récit plus
intimiste, constellé de nostalgie et empreint d’éléments
autobiographiques. Puisant son inspiration dans le roman « La nostalgie
des anges » d’Alice Sebold, le cinéaste néo-zélandais
signe une œuvre riche et complexe qui oscille entre le drame, la
comédie, le thriller et le fantastique pur. A la manière de
Sunset Boulevard, Lovely Bones commence
par la voix-off d’un défunt, un narrateur d’outre-tombe qui prend ici
les
traits de la jeune Susie Salmon nous déclarant tout de go :
« j’avais quatorze ans quand on m’a assassinée ». Jackson plante ses
caméras dans l’Amérique du début des années 70,
encore nimbée d’insouciance, et dresse le portrait d’une famille
classique, portée par un casting confondant de justesse.
Aux côtés de
valeurs sûres telles que Mark Wahlberg, Rachel Weisz et Susan Sarandon,
campant respectivement les parents aimants et la
grand-mère truculente, le jeune talent de Saoirse Ronan, aux yeux de
poupée et au visage ingénu, éclate dans le rôle de Susie Salmon. Errant
entre le monde des morts et celui des vivants, cette
dernière assiste au déchirement des siens, inconsolables, tout en se
préparant à basculer dans l’au-delà, tandis que l’assassin court
toujours. Ce dernier, point de mire de toutes les haines, est
prodigieusement incarné par un Stanley Tucci quasi-méconnaissable. A
l’instar de Créatures Célestes, Lovely Bones situe
sa narration dans deux univers parallèles et complémentaires : le monde
réel et celui conçu par l’imagination fébrile d’une adolescente. Car
Susie n’est pas encore passée « de l’autre-côté ».
Les décors surréalistes dans lesquels elle évolue ne sont donc pas les visions fantasmées d’un paradis judéo-chrétien, façon Au-delà
de nos rêves,
mais celles d’une jeune fille nourrie par l’imagerie « new age » des
années 70 (d’où le choix
judicieux de Brian Eno pour signer la bande originale du film).
Susie construit ainsi elle-même le berceau de son errance post-mortem,
nourri de métaphores délicieusement poétiques (le kiosque,
la forêt, les bateaux mis en bouteille). « Les métaphores
utilisées ne devaient pas être trop simplistes, pour éviter les clichés,
mais pas trop hermétiques non plus, afin que les
spectateurs puissent les comprendre sans mal », explique Jackson.
« Lorsque son père cueille un camélia fané et
que ce dernier se met à éclore dans sa main, c’est littéralement la
métaphore d’une idée qui éclot. A ce moment précis, le père de Susie
comprend quelle est l’identité du tueur. Sa fille lui a
soufflé cette idée d’outre-tombe. » (1)
Au fil de
l’intrigue, le réalisateur concocte une poignée de séquences de suspense
diaboliquement efficaces. Très hitchcockiennes sur le
fond mais complètement novatrices dans la forme, elles vissent les
spectateurs sur leurs fauteuils et jouent durablement sur leurs nerfs,
via un découpage ciselé au millimètre près, un travail
d’orfèvre sur la bande son et un usage inédit des caméras
endoscopiques. Capable d’adapter son style polymorphe à tous les sujets,
Jackson nous confirme une fois de plus son statut de cinéaste
hors norme et d’artiste passionnant.
(1) Propos recueillis par votre serviteur en novembre 2009
© Gilles Penso
Thema: Fantômes, Mort
Thema: Fantômes, Mort
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Laissez votre commentaire ici