(The Innocents)
de Jack Clayton (Grande-Bretagne)
avec Deborah Kerr, Megs Jenkins, Michael Redgrave, Peter Wyngarde, Martin Stephens, Pamela Franklin, Clytie Jessop
Œuvre phare
de la littérature anglaise, « Le Tour d’écrou » d’Henry James fit
beaucoup parler de lui lors de sa publication en
1898. Il se distinguait en effet des traditionnelles histoires de
fantômes en y injectant une bonne dose d’éléments psychanalytiques,
semant finalement le doute auprès du lecteur quant à la
véracité des phénomènes surnaturels présents dans le récit. Adapté
sous forme de scénario par Truman Capote et William Archibald, « Le Tour
d’écrou » devint en 1961 Les
Innocents, sous la direction de Jack Clayton, et le roman classique se mua en film classique.
Inoubliable dans Quo Vadis, Le Prisonnier de
Zenda ou encore Le Roi et Moi,
Deborah Kerr
incarne ici Miss Giddens, dont l’entretien d’embauche constitue le
prologue du film. Elle propose en effet ses services de gouvernante pour
s’occuper de Flora et Miles, deux petits orphelins
quelque peu délaissés par leur oncle oisif et vivant en compagnie
d'une poignée de servantes dans une gigantesque maison au beau milieu du
comté de Blye. Miss Giddens se laisse séduire par
l’ingénuité et le charme des deux enfants, mais progressivement
quelques troubles comportementaux de la part de Miles et Flora finissent
par l’alerter. Son inquiétude grandit lorsqu’elle apprend
que Miss Jessel et Peter Quint, l’ancienne gouvernante et le valet,
étaient des amants sado-masochistes décédés dans d’étranges
circonstances. Bientôt, de curieux phénomènes surviennent, laissant
supposer à Miss Giddens que les fantômes des deux sinistres
personnages hantent les lieux et possèdent l’esprit des enfants…
Serti dans un
magnifique Cinémascope noir et blanc éclairé par Freddie Francis (futur
réalisateur pour la Hammer), mis en scène avec
raffinement et dextérité par Jack Clayton, Les Innocents laisse
une impression d’inconfort prégnante et palpable. Le
fantastique et l’épouvante s’y invitent lentement, insidieusement,
pénétrant en douceur un cadre idyllique et paisible. Les apparitions
fantomatiques elles-mêmes tirent leur efficacité de leur
sobriété : une ombre qui passe dans un couloir mal éclairé, une
silhouette d’homme en haut d’un clocher, une femme en noir qui se fige
au loin sur la rive d’un étang, le visage d’un homme
qui soupire dans l’obscurité d’un rideau sombre… La bande son,
jouant avec le vent sinistre, le pépiement agaçant des oiseaux ou les
hurlements de la petite fille épouvantée, participe grandement
au sentiment d’angoisse sourde.
Peu à peu, le
doute s’installe : les enfants sont-ils réellement ensorcelés, comme le
symbolise l’image de ce cafard sortant de la
bouche d’un angelot en pierre, ou Miss Giddins projette-t-elle ses
propres angoisses sur Miles et Flora ? Astucieux, Clayton s’amuse
souvent à recadrer le visage de ses protagonistes, ne
laissant parfois apparaître qu’un regard ou une bouche pour mieux
cerner le malaise, tandis que la partition de Georges Auric alterne la
sérénité printanière des cordes et les accès de panique
des cuivres. Détournant avec grand art les clichés liés à la candeur
enfantine, Les Innocents s’achève
sur une
confrontation éprouvante qui prend les allures d’un exorcisme, et
marque une date importante dans l’histoire des films de fantômes.
© Gilles Penso
Thema: Fantômes
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